LA DESTRUCTION DU CHÂTEAU DE REMY

Introduction.

La destruction du château de Rémy doit être replacée dans son contexte historique pour être comprise. Elle a lieu pendant les guerres de religion période où la Picardie est souvent théâtre et victime de la lutte des différents protagonistes.

La situation du Royaume de France – fin 1588 / début 1589.

En 1588, nous sommes au début de ce qui sera la dernière de nos guerres de religion. La France est séparée en 3 factions : Les protestants menés par Henri de Navarre, les intransigeants catholiques dirigés par Henri de Guise, et le roi Henri III qui aurait voulu reconstruire l’unité nationale (guerre des ‘3 Henri’). Cependant, le roi de France a été chassé de Paris par les Parisiens et le puissant duc de Guise qui ambitionne le pouvoir. Le roi fait assassiner ce dangereux rival à Blois le 23 décembre. La plupart des grandes villes du Nord de la France sont en faveur des catholiques, le sud aux mains des protestants et de nombreuses régions quasi indépendantes comme la Provence qui est aux mains du Duc d’Epernon. Le roi ne règne plus que sur cinq villes de Touraine.

L’alliance du roi et des protestants – avril 1589.

Une alliance se forme alors entre le roi et Henri de Navarre, le futur Henri IV, pourtant farouches ennemis quelques mois plus tôt. Cette alliance est scellée au château de Plessis les Tours où Henri de Navarre fait allégeance au roi. Peu après, les catholiques (les ‘ligueurs’) menés par Mayenne menacent de prendre le roi dans Tours, mais l’arrivée des troupes protestantes commandées par Henri de Navarre, met le roi hors de danger. L’alliance des anciens ennemis est définitivement scellée.

En Picardie.

A ce moment, avec l’intervention de Montmorency – Bouteville, Senlis s’était prononcée en faveur d’Henri III. Le duc d’Aumale, ligueur, sort de Paris avec 600 chevaux, 3 régiments d’infanterie et six mille parisiens (!) soit environ 10 000 hommes pour assiéger et récupérer la ville (6 mai 1589). Montmorency-Bouteville qui ne peut contenir longtemps une telle armée demande des secours au duc de Longueville qui est à Compiègne avec quelques troupes : environ 2500 hommes. Humières est favorable à un secours immédiat, mais les autres royalistes préfèrent s’organiser un peu. Il n’y a pas de poudre et d’armes. La Noue, dit bras-de-fer, qui commande les troupes de Longueville doit lui-même vendre toutes ses terres pour financer l’achat des munitions. Il a déjà conduit de nombreux combats pour la cause protestante. Les troupes se mettent en route afin de renforcer les assiégés.

La bataille de Senlis – 17 mai 1589..

Les secours royalistes (350 cavaliers, huit cents arquebusiers à cheval) après une halte à Verberie s’installent dans la forêt entre Senlis et Compiègne. Les assiégeants ligueurs détectent leur arrivée et leur armée commence à s’organiser. Les troupes du duc d’Aumale attaquent mais de manière désorganisée. Les royalistes décident alors d’attaquer les deux corps de troupes principaux avant que l’armée de la ligue qui s’organise lentement ne soit bien en place.

La manœuvre réussit : la charge des cavaliers met le désordre dans les troupes de la ligue dont une partie est repoussée dans les marais. La faiblesse des troupes royales est compensée par la valeur héroïque de Longueville, Givry, Gouffier, d’Estourmel et Humières. Ce dernier avec 26 chevaux, en charge 200 qu’il met en fuite.

La Noue et le duc de Longueville modifient leur plan : au lieu de secourir Senlis, c’est l’armée ligueuse qu’il faut poursuivre. La fuite généralisée ne tarde pas à suivre, protégée toutefois par les ombrages de la forêt de Chantilly. L’artillerie ennemie (10 canons), les bagages, les drapeaux sont pris. 5000 hommes de la Ligue ont été mis hors de combat pour la perte de moins de trente hommes du coté des troupes royales.On raille le duc d’Aumale.

Conquérir Paris – la mort d’Henri III. Juin – 1er Août 1589.

Finalement, l’armée du roi et l’armée protestante convergent vers Paris. Elles sont renforcées par des mercenaires suisses que Harlay-Sancy a recruté sur ses fonds personnels. C’est donc 40 000 hommes qui préparent l’assaut. Du coté des ligueurs, le duc de Mayenne tente d’organiser la défense de la ville mais ses moyens ne lui permettent pas de s’opposer avec efficacité à l’attaque. Cependant, dans Paris, la duchesse de Montpensier prépare l’assassinat du roi. Elle fanatise le moine Jacques Clément qui à la veille de l’attaque obtient une audience du roi et l’assassine.

Avant de mourir, Henri III reconnaît Henri de Navarre comme son successeur légitime. Celui-ci devient donc Henri IV.

La possibilité d’une restauration rapide de l’autorité royale était passée. Il faudra encore de nombreuses années avant que le royaume de France ne trouve la paix religieuse (Edit de Nantes 1598).

La retraite d’Henri IV.

Du fait de la mort du roi, le camp royaliste a perdu sa raison d’être. L’assaut de Paris est impossible. Le corps d’Henri III est ramené à l’église Saint Corneille de Compiègne. Les troupes d’Henri IV prennent Creil, Clermont, Meulan et Gisors avant de se replier vers Dieppe où elles remporteront la victoire à Arques.

Et le château fort de Rémy ?

C’est juste après la bataille de Senlis et avant le regroupement complet des troupes royales devant Paris que Charles d’Humières, gouverneur de Compiègne, mène une brève campagne autour de la ville pour mettre à profit la victoire remportée à Senlis.

Le jeune chef de guerre, (il a vingt ans !) avec une troupe de 200 hommes et quatre canons capture les chateaux de Fretoy, Chevrières, Rémy et Ressons, et prend les villes de Pont-Saint-Maxence, Bray, Ancre (Albert), Miraumont et Chaulnes. (juin et juillet 1589).
Tous ces villes et villages étaient aux mains des ligueurs. Compiègne était bien isolée et ces succès permettent au gouverneur de la ville d’accroître la sureté de la cité dont il est responsable.
Fin juillet, le roi Henri III, qui a une grande confiance en lui, le rappelle avec ses troupes pour mener l’assaut contre Paris.

A l’issue de la prise du château-fort de Rémy par les troupes de Charles d’Humières, l’édifice est plus ou moins détruit. Il ne sera jamais complètement réparé et ne jouera plus de rôle militaire.


Autres combats en Picardie.

  • En avril 1590, prise de Clermont de l’Oise par Henri IV.
  • En 1591 ,Pierrefonds est assiégé sans succés par les royalistes. Le roi séjourne à Compiègne et Senlis oour suivre les opérations de près.
  • En avril 1593, Noyon est reprise par la Ligue.
  • En 1594, après la prise de Laon par Henri IV la plupart des villes de Picardie se rallient au roi : Amiens, Péronne, Beauvais, Noyon. La ligue ne conserve que Soissons, Ham et la Fère.
  • En 1595, combats entre Soissons et Crépy. Maraudes de troupes de la ligue.
  • En 1597, Amiens est reprise par les espagnols et l’année suivante Henri IV réussi le siège de la ville.

Que de combats livrés, que de souffrances endurées par les habitants de nos villes et villages durant cette longue guerre civile !

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Charles d’Humières.

Charles d’Humières est né le 10 Mai 1567 dans le nord de la France. Il embrasse très rapidement la carrière des armes. A 20 ans, il est nommé par Henri III gouverneur de Compiègne(1587). Il fait une entrée joyeuse dans la ville le 5 Janvier 1588. Lors de la bataille de Senlis le 17 mai 1589, Humières contribue au succès des troupes royales (voir plus haut). Il mène ensuite plusieurs campagnes pour accroitre la sureté de la ville et rendre au roi toute la Picardie.

Il met la ville de Compiègne en état de se défendre. Un assaut est tenté par les ligueurs en mai 1591, mais échoue. En 1590, il mène des opérations militaires en Thiérarche, prend Vervin, Vic-sur-aisne et en décembre, il réussit brillament la prise de Corbie et facilite ainsi le succès d’Henri IV à Amiens. Il arrive juste à temps avec ses troupes pour renforcer les troupes d’Henri IV qui remportent la bataille d’Ivry (« Ralliez vous à mon panache blanc ! ») Il est nommé lieutenant général de Picardie. En 1591, il participe au siège de Noyon et prend Rue dans la Somme. Lors de l’arrivé des troupes royales à Paris en mars 1594, Humières, à la tête de ses cavaliers, est l’un des premiers à entrer dans la ville. En novembre, Henri IV lui fait don de mille écus soleil, en remerciement des services rendus.

Le 7 Janvier 1595, il fait partie des quelques nobles qui ont le grand honneur de recevoir d’Henri IV le titre de chevalier du Saint-Esprit. Il prend le chateau de Tournehem (Nord) quelques jours plus tard et le détruit presque complétement.

Il ne reste plus que deux villes en Picardie qui ne soient pas au pouvoir du roi: Ham et la Fère qui sont occupées par les espagnols. Charles d’ Humières décide une attaque surprise de la ville et du chateau de Ham (mai 1595). Il trouve la mort lors de l’assaut à la tête de ses troupes qui commençaient à faiblir devant la vigoureuse défense des espagnols. En apprenant cette nouvelle, Henri IV pleure ce fidèle capitaine et s’exclame « Ham me coûte bien cher ». Son coeur et sa tombe sont installés dans l’église Saint Corneille de Compiègne. Il ne laisse pas de postérité. Il est décrit par certains de ses contemporains comme un soldat plein d’humanité, par d’autres comme un ‘boucher’. Gageons que l’avis dépend du coté duquel l’auteur se trouve. Il est vrai que lors de la prise de Ham, les soldats français passent au fil de l’épée toute la garnison espagnole. Mais à ce moment là de la bataille, Humières était déjà décédé.

Ce ne fut certainement pas un tendre, mais deux de ses qualités sont à souligner. La fidélité tout d’abord : dans ces temps si troubles, il n’a jamais trahi, y compris quand le nouveau roi était protestant, à l’opposé de ses propres convictions religieuses. Le courage et le talent militaire: il a conduit ses soldats de succès en succès, sans jamais rencontrer d’échec sérieux. La ville de Compiègne dont il était le gouverneur est ainsi une des seules villes de Picardie qui n’ait jamais été aux mains de la Ligue. Il avait su la protéger contre vents et marées.

Dans un roman à clés  » Histoire des amours du grand Alcande  » où Alcande représente Henri IV, attribué à Louise de Lorraine, princesse de Conti le seigneur de Humières est décrit comme très courageux et on raconte sa liaison avec la Marquise de Rosny. Elle lui donne le nom de Napoléon (l’histoire est contée au début du XVIIème siècle) et il retrouve sa Marquise à Compiègne. Mais son mari qui devine la situation, l’enferme. La princesse conclut son histoire en indiquant que Napoléon recherche la mort au combat pour que sa maîtresse soit libérée. C’est pourquoi il s’élance à l’assaut des lignes espagnoles et succombe à la tête de ses troupes.- Quelle part de vérité dans ce récit ?

Décembre 2002