Bourdon de l’Oise


Table des matières

Une personnalité injustement calomniée ?

1758 – 1789. Jeunesse puis avocat à Paris.

Juillet 1789 – mars 1790. La Révolution et première mission.

1790 – 1792. Une nouvelle carrière ?

Eté 1792. La chute de la royauté.

1793 – Juin 1794. La Terreur

Juin et juillet 1794. La chute de Robespierre, la fin de la Terreur.

1794 – 1795. L’après Robespierre, l’apogée de Bourdon de l’Oise.

Sept 1795 – Sept 1797. Vers la déportation.

Fin 1797 – juin 1798. La Guyane, la mort.



Une personnalité injustement calomniée ?

Bourdon de l’Oise a souvent été dépeint comme un personnage peu agréable, voire détestable de la révolution française. Cependant, dans un ouvrage récent, Fernand Lesguillons, a corrigé cette vision caricaturale du personnage.

L’étude détaillée de ses interventions à l’Assemblée ou dans les comités révolutionnaires permet de faire apparaître une vérité différente. Bourdon de l’Oise était un républicain convaincu, attentif au peuple, attaché au droit. Il est courageux, éloigné des calculs politiques et des compromissions. Ce colosse aux cheveux roux et à la voix puissante avait un caractère vif et improvisait ses interventions avec facilité. C’est un impulsif qui se laisse parfois emporter dans ses propos. Ils sont parfois outranciers, mais pas exceptionnels dans ce mouvement révolutionnaire passionnel et violent. La république est souvent en danger et les membres de la Convention jouent leur survie physique. Bourbon de l’Oise sera finalement leur victime et sa mémoire calomniée.
tude détaillée de ses interventions à l’Assemblée ou dans les comités révolutionnaires permet de faire apparaître une vérité différente. Bourdon de l’Oise était un républicain convaincu, attentif au peuple, attaché au droit. Il est courageux, éloigné des calculs politiques et des compromissions. Ce colosse aux cheveux roux et à la voix puissante avait un caractère vif et improvisait ses interventions avec facilité. C’est un impulsif qui se laisse parfois emporter dans ses propos. Ils sont parfois outranciers, mais pas exceptionnels dans ce mouvement révolutionnaire passionnel et violent. La république est souvent en danger et les membres de la Convention jouent leur survie physique. Bourbon de l’Oise sera finalement leur victime et sa mémoire calomniée.


Retraçons la vie de Bourdon de l’Oise.

 

1758 – 1789. Jeunesse puis avocat à Paris.

La demeure de Bourdon de l’Oise à Remy

Né en 1758 dans la Somme, François Louis Bourdon vient vivre à Rémy à la suite du remariage de sa mère, veuve, avec Pierre Geoffroy, cultivateur et de leur achat du fief de la Tache-Fresnel (1771). Le cliché montre le ‘chateau’ de la Tache Frenel.

Après des études de droit à la Sorbonne, il devient clerc puis en 1783, avocat. Pour cela, il achète comme c’est l’usage une charge d’avocat. Il doit fortement s’endetter. Les affaires marchent bien, il règle régulièrement ses créanciers et acquière même une maison à Paris.

En 1789, le mécontentement et l’agitation populaire sont forts. Bourdon fait partie d’associations de clercs qui professent une indépendance d’idées et d’identité.

Juillet 1789 – mars 1790. La Révolution et première mission.

Dès le 13 juillet, Il est à la tête d’un bataillon de volontaires de 200 hommes.

Son rôle exact le lendemain n’est pas connu, mais il se décrit lui-même comme participant aux événements du 14 juillet et à la prise de la Bastille.

Quelques jours après, Bourdon reçoit la mission d’arrêter le commandant des troupes royales dans Paris (30000 hommes en majorité des mercenaires suisses) qui a la ville et ses soldats. Il s’en acquitte le 27 à Provins.

Il doit soigneusement le garder car les compatriotes suisses du général n’admettent pas son inaction pendant la prise de la Bastille et cherchent à le rattraper pour le tuer. La mission initiale de capture devient protection. Elle se termine en mars 1790 par la libération du général dans la discrétion. Il reçoit des compliments de l’Assemblée à Paris pour ces actions.

1790 – 1792. Une nouvelle carrière ?

Les privilèges des avocats ont été supprimés, aussi il abandonne son métier et devient pendant deux ans cultivateur dans une ferme qu’il a achetée. Il s’est éloigné de la politique mais garde des contacts avec Paris.

Eté 1792 – la chute de la royauté.

En juillet 1792, Bourdon est à Paris ou il accueille le bataillon des marseillais avec mission de les assister et surtout de les contrôler. En fait, c’est la situation d’ensemble qui échappe à tout contrôle. Beaucoup souhaitent la destitution et l’arrestation du roi. La manifestation du 10 août tourne au massacre dans le palais des Tuileries : 800 suisses sont tués et 75 assaillants. Le roi est désigné comme responsable de ces événements. Bourdon participe avec ses marseillais à ces événements dramatiques.

Le 6 septembre 1792, Bourdon est élu député par l’assemblée électorale de l’Oise. Cependant une certaine confusion subsiste autour de son élection car un autre Bourdon était aussi candidat. Ceci a permis de faire croire par certains que François Louis Bourdon avait profité de cette homonymie, et tant qu’à faire qu’il avait triché pour obtenir son élection. A l’examen, cela semble de la médisance ; car c’est François-Louis qui était bien connu dans l’Oise.

Bourdon participe donc à la Convention qui débute ses travaux en septembre 1792.

1793 – Juin 1794. La Terreur

Au sein de la Convention, Bourdon de l’Oise choisit rapidement son camp : il est montagnard c’est à dire qu’il est membre de l’aile radicale du mouvement révolutionnaire. Il est aussi appelé Bourdon le roux ou Bourdon le rouge.

Durant les premiers mois, il se fait peu remarquer. Il démontre qu’il souhaite la mort du roi, mais obtient que tous les droits de l’accusé (le Roi) soient respectés.

Il montre parfois sa grande violence verbale. Il y a eu un mouvement hostile aux troupes révolutionnaires à Francfort, il propose que l’année suivante les armées soient dirigées dans ce secteur et rasent la ville.

Il demande l’arrestation de certains. Il participe et amplifie les querelles entre Girondins (modérés et majoritaires) et Montagnards (radicaux).

Finalement, avec l’aide de la pression populaire, les montagnards l’emportent (août 1793).

Bourdon est missionné dans la Manche et l’Orne avec un collègue pour vérifier que ces départements fournissent bien le nombre de soldats demandés. Il s’inquiète de l’absence totale de protection des côtes et des difficultés à entretenir le contingent. Il s’acquitte bien de sa tache.

Si bien, que la convention lui confie la mission, ainsi qu’à un de ses collègues, d’aller observer les événements de Vendée où les Chouans viennent de remporter des succès. C’est une fonction à responsabilités mais à hauts risques. Il les assume ! Il annule temporairement la destitution par le ministère du général Tunk pour des raisons motivées. La nomination d’un incapable, cruel et corrompu par le Comité de Salut public les amènent à rapidement dénoncer ses actes, mais ils sont rapidement rappelés à Paris. Cette affaire provoque plusieurs altercations avec Robespierre, Danton et Hébert.

François-Louis Bourdon siège à différents comités : agriculture, commerce et instruction et y fait plusieurs propositions intéressantes : assèchements de marais, réorganisation des services de douanes,… Il propose aussi de supprimer les ministres en donnant plus de pouvoir aux comités, dans un sincère souci d’efficacité. Cette proposition sera refusée mais finalement mise en place 4 mois plus tard, ainsi qu’il l’avait prédit.

La terreur est en place. Chaque jour, ce sont plusieurs dizaines de personnes qui sont guillotinées à Paris et ce n’est pas mieux dans les villes de province. Bourdon de l’Oise ne fait pas partie de ceux qui envoie des hommes à l’échafaud.

Il joue un rôle dans l’élimination des hébertistes (les plus extrémistes, encore plus radicaux que Robespierre ). Jusqu’ici, Robespierre avait défendu Bourdon de l’Oise, mais c’est fini, celui-ci ne lui sert plus dans sa lutte contre les hébertistes.

Lors de l’élimination de Danton et de ses partisans, Robespierre souhaite voir ajouter à la liste des personnes à arrêter celui de Bourdon de l’Oise, mais ses amis le dissuadent.

Juin et juillet 1794. La chute de Robespierre, la fin de la Terreur.

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Bourdon, comme beaucoup de députés à la convention, est très inquiet de l’absolutisme de Robespierre et essaye de s’opposer à celui qui est devenu un dictateur, un tyran.

Début juin 1794, cette lutte atteint son paroxysme. Robespierre propose des lois ayant pour but de faciliter encore le travail du tribunal révolutionnaire, c’est à dire qui le rendront encore plus expéditif (!) y compris contre les députés. Bourdon s’oppose habilement à ses projets. Il insiste : pour les députés toute arrestation passe par l’accord préalable de l’assemblé. Son intervention connaît un certain succès parmi les députés, mais exaspère Robespierre qui sent son omnipotence contestée. Avec Couthon, Robespierre intervient à la convention et accuse Bourdon de l’Oise de vouloir affaiblir la république. La loi est finalement votée, mais la contestation enfle. Tous les députés sont terrorisés, la défiance s’amplifie, des conciliabules s’organisent, sous l’œil attentif des agents de Robespierre.

Robespierre souhaite faire exécuter Bourdon sur l’échafaud, pendant que ce dernier songe à l’assassiner.

Fin juillet, le 8 thermidor, Robespierre prononce un grand discours. Bourdon réagit le premier et une grande partie de l’assemblé le suit. Le lendemain, dès l’arrivée de Robespierre et de ses amis, c’est la bronca. La salle se remplit de cris ‘A bas le tyran’. Saint-Just ne peut prendre la parole et Robespierre ne parvient pas à contrer le tumulte. L’Assemblée vote l’arrestation de Robespierre et de ses amis.

La mairie de Paris essaye de les sauver et parvient à les récupérer. A l’Assemblée Bourdon dénonce la manœuvre de la municipalité. Finalement, il accompagne les gardes nationaux à l’Hôtel de Ville qui est pris d’assaut.

Le lendemain Robespierre est vingt-deux de ses amis sont guillotinés, sans procès, sans défense, conformément aux lois qu’il avait lui-même fait voter quelques semaines plus tôt !

1794-1795. L’après Robespierre, l’apogée de Bourdon de l’Oise.

Dès lors il faut construire une nouvelle organisation pour l’état et Bourdon contribue à cette réflexion. Il est membre du comité de sûreté générale et assure pendant deux semaines la présidence de la Convention.

Il procède à de nombreuses libérations de prisonniers indûment emprisonnés. C’est une cinquantaine de personnes par jour qui retrouvent la liberté. Il refuse cependant des mesures trop maximalistes.

Il participe à de nombreux débats, par exemple la durée de la ‘garde à vue’, le degré d’épuration des partisans de Robespierre, il contre de fausses accusations.

Il joue alors un rôle important, c’est un leader d’opinion proche des classes dirigeantes.

Cependant, il se fâche avec beaucoup avec sa volonté de respecter la justice, alors que ses collègues ont souvent commis des actes condamnables : méthodes expéditives pour se débarrasser des opposants ou supposés tels, enrichissement personnel.

La situation économique se dégrade, les assignats perdent leur valeur. Un jour, en retournant à Rémy voir sa mère, il est pris à parti par a populace affamée qui voit en lui un député fuyant Paris avec de l’or dans ses bagages (avril 1795).

L’agitation populaire est grande, la Convention est de plus en plus impopulaire. La crise financière est présente et Bourdon essaye d’apporter sa contribution en proposant des mesures pour sauvegarder la valeur des assignats. Sa proposition pourtant raisonnable n’est pas retenue.

assignat

Bourdon est en Bretagne lorsque des menées royalistes se font jour. Il contre leurs projets en les désorganisant.

En septembre 1795, après trois ans de travaux la convention se termine.

Sept 1795- Sept 1797. Vers la déportation.

Une nouvelle organisation de l’état se met en place avec 750 membres au conseil législatif, lui-même composée de deux assemblées : le conseil des anciens et le conseil des Cinq-cents.

Bourdon fait partie de cette deuxième assemblée et participe au comité des Colonies dont il s’efforce d’améliorer la situation.

La situation financière du pays et de plus en plus difficile. Bourdon se bat contre la spéculation.

On commence à parler d’un général qui a remporté d’éclatantes victoires en Italie, un certain Bonaparte. En septembre de nouveaux troubles royalistes surgissent. Certains membres dirigeants travailleraient à faciliter un retour de la monarchie et seraient en fait à la solde des émigrés.

L’arrestation de députés lors du coup d’état du 17 Fructidor. Bourdon est celui assis au centre

Pour des raisons peu claires, Bourdon est associé aux personnes arrêtées. Il n’y a pas de procès, il ne s’agit pas d’une condamnation à mort, ni d’un emprisonnement en cellule : la vingtaine de suspects est envoyée en déportation en Guyane.

Fin 1797 – juin 1798. La Guyane, la mort.

Après une traversée de quelques semaines et quelques jours à Cayenne, ils sont emmenés dans un endroit difficile d’accès dans un village de la foret amazonienne, au bord d’un fleuve.

Ce ne sont que quelques cases misérables partagées à plusieurs, mais les prisonniers peuvent faire les activités qu’ils souhaitent. Bourdon essaye un peu d’agriculture et part chasser dans la forêt.

Malheureusement, le paludisme l’atteint et il est de plus en plus malade. Ses compagnons organisent leur évasion, mais ne peuvent compter sur lui vu son état de santé dégradé. Ils s’échapperont d’ailleurs, mais Bourdon de l’Oise meurt le 22 juin 1798. Il avait 39 ans.

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Principale source bibliographique : Bourdon de l’Oise par Fernand Lesguillons

 



Voici ce que raconte l’historien Patrice Guenifrey à propos du 9 Thermidor.

« Le dantoniste Bourdon de l’Oise donna le branle, et tous se levèrent, les uns après les autres, une accusation en appelant une autre.
Et l’on vit cette chose inimaginable quelques mois auparavant: Robespierre muet, incapable de répondre sinon par des protestations de bonne foi, désarçonné par la renaissance d’une opposition qu’il croyait avoir brisée le jour de l’arrestation de Danton.

Le lendemain, lorsque la Convention sonna l’heure de la curée, Saint-Just s’effondra pareillement. Robespierre et ses amis connaissaient la suite: le décret d’arrestation, le Tribunal Révolutionnaire, l’échafaud. »