Combats de juin 1940 dans Rémy
Voici un récit des combats de juin 1940 dans Rémy raconté par Sébastien Abad qui était caporal chef, voltigeur, au 107ème Régiment d’infanterie. C’est dans le cimetière que ce soldat a été finalement fait prisonnier.
Le 107ème régiment a d’ abord combattu sur le canal de Saint-Quentin, ensuite il a fallut battre en retraite et il est arrivé à Rémy avec l’armée allemande pas très loin derrière eux. Le chef du régiment a décidé de laisser sur place une section de ce régiment, une poignée d’hommes : 30 à 40 commandés par le lieutenant Malauzat, qui a été un notaire important de la ville de Bordeaux, pour ralentir les allemands et permettre au régiment de fuir. Je faisais parti de cette section.
Quand on nous a donné l’ordre de rester, nous avions un minimum de munitions, mais par chance nous avons trouvé en arrivant un véhicule de l’armée abandonné rempli entièrement de munitions. Nous nous sommes barricadés dans le cimetière d’où nous avions une grande vue et on a fait face jusqu’ à la fin des minutions. On tirait tellement à la mitrailleuse qu’il était impossible de la toucher tellement elle était brûlante.
Quand ils ont épuisés toutes leurs minutions, le lieutenant a dit: « maintenant chacun pour soi, sauve qui peut », et certains dont le lieutenant ont sauté le mur du cimetière et on put fuir (c’est même lui qui a été voir mes parents, pour leur dire que j’étais sans doute prisonnier).
Tous les autres se sont rendus, sauf quelques uns qui se sont camouflés entre les tombes, mais je reviendrai sur eux après. La surprise, très mauvaise, est que les soldats allemand en face étaient des SS et étaient très énervés d’avoir été ralenti par cette poignée de soldats, ils ont alignés toute la section contre le mur pour nous fusiller, et là par miracle, un Colonel de la Wehrmacht (l’ armée régulière) est arrivé à ce moment là, il a engueulé l’ officier SS & à parler dans un bon français à la section que nous n’avions rien à craindre et que nous allions être prisonniers de guerre en Allemagne.
Dans la nuit les quelques soldats français qui s’étaient camouflés entre les tombes ont essayé de fuir et un d’ entre eux a été gravement blessé, et je n’ai pas su s’il est mort ou pas.
Ensuite la bataille de « Rémy » était finie.
__________________
Sébastien Abad est décédé en février 2000.
__________________________________
Notes :
Dans les combats l’église à souffert des combats. Des photos aux archives de monuments historiques montrent des pans de toitures éventrés. Ils témoignent de la violence de cet accrochage et de la violence à laquelle cette section de soldats a été soumise.
Au moins un soldat de ce régiment est enterré au cimetière militaire de Rémy ; peut être le soldat qui a essayé de fuir pendant la nuit.
___________________________
Un petit mot sur le 107°RI
Les origines du 107°RI remontent à LOUIS XI qui, en 1469, crée les Francs Archers d’Angoumois. En 1755, un bataillon du Régiment d’Angoumois stationne en Louisiane où il se voit confier une mission de défense d’un port. Il est quelques années plus tard, en Inde où il prend le nom de Régiment de Pondichéry. Le souvenir de cette lointaine époque était perpétué par la présence de 2 éléphants sur l’insigne régimentaire aux armoiries d’Angoulême.
A la Révolution, le Régiment de Pondichéry est licencié comme beaucoup de régiments royaux, mais il est reconstitué dès 1792 sous le chiffre 107 qui apparaît pour la première fois.
l est engagé dans les guerres de la Révolution puis de l’Empire. Il est présent à Waterloo (18 juin 1815).
Le régiment est dissous dès la chute de l’empire français et ne se reforme que lors de la guerre de 1870 sous l’appellation de 18ème Régiment de Mobile. Intégré dans l’armée de la Loire, il participe aux combats désespérés de l’hiver 1870-71; à l’issue de cette campagne, les charentais auront perdu 689 hommes (tués ou disparus).
La réorganisation militaire de 1873 voit réapparaître le 107°RI qui 2 ans plus tard participe à des opérations de pacifications dans le Maghreb.
La Première Guerre Mondiale voit successivement le 107°RI engagé dans la bataille de la Marne, puis en Artois et sur la Somme. En 1916 il est à Verdun où il se voit confier la défense de la côte du Poivre. A peine sorti de l’enfer, il est envoyé en Champagne où les hommes doivent supporter les rigueurs du sombre hiver 1916/17. En octobre 1917, suite au désastre de Caporetto, il fait partie du corps expéditionnaire chargé de colmater la brèche ouverte par les autrichiens sur le front italien. C’est au cours de cette campagne, le 26 octobre 1918 qu’il réussit un franchissement audacieux du Piave, épisode au cours duquel le clairon Artigalas a trouvé une mort « glorieuse », frappé d’une balle en plein front alors qu’il sonnait la charge du 2°bataillon.
Le 24 août 1939, le 107°RI quitte la caserne Gaspard Michel pour la Lorraine où il participa à l’une des rares actions offensives de la drôle de guerre: celle de la Sarre. Le 107°RI est engagé sur la Somme et le canal Crozat où, du 18 au 30 mai, les allemands sont contenus; mais après la chute de Dunkerque et la reprise de l’offensive de la Wehrmacht sur la Somme , le 107°RI doit se replier sur ordre le 7 juin d’abord sur l’Oise puis sur la Marne où il continue de se battre. Sous la pression ennemie, il se retrouve à Châteauroux où, ayant conservé sa cohésion, il s’organise pour la défense de la ville. Puis vient l’Armistice et la dissolution le 25 août 1940.
Le 107°RI est reconstitué en 1944 et participe aux combats de la libération. En particulier à l’opération « Vénérable », la libération de la poche de Royan, du 14 au 18 Avril 1945.
Dans le cadre de la réorganisation de l’armée de terre, le 107°RI a été complètement dissous en juin 1989
Le drapeau du 107°RI fut décoré de la Croix de Guerre 14/18 avec 2 palmes. Il porte la fourragère aux couleurs de la croix de guerre 14/18.
________________________________