Introduction

Pour quelles raisons les coutumes du Beauvaisis sont-elles aussi connues, pourquoi ont-elles donné une telle célébrité à son auteur ? Essayons de répondre à cette question.

Tout d’abord, cet ouvrage de droit est constitué un ensemble de dispositions, de règles, de jugements qui couvrent de très nombreux domaines : le fonctionnement de la justice, les héritages, la largeur des chemins, etc…Ceci sera exposé avec plus d détails dans la suite de cet article

C’est donc une vision globale des règles de droits qui s‘exerçaient au XIIIème siècle, époque ou le droit était surtout oral.

Il constitue un ouvrage de jurisprudence, c’est à dire un recueil de règles de justice destiné à servir de référence pour la prise de décision dans des cas similaires. C’était novateur pour l’époque et démontre la recherche de l’équité des décisions de justice toujours officiellement prises à cette époque du moyen âge par les seigneurs ou les tribunaux d’église.

Par la précision de l’ouvrage, les exemples donnés, Beaumanoir nous apporte une image de la société de cette époque et de ses préoccupations. Elle montre une société finalement humaniste qui recherche la vérité, où le droit du faible est respecté, attentif aux pauvres et aux personnes en difficulté.

La société féodale est alors à une période charnière où l’on passe du système seigneurial à un système de souveraineté : le pouvoir royal s’affirme de plus en plus aux détriment du pouvoir des seigneurs, le domaine royal s’agrandit.

L’exercice du droit est alors en évolution, le pouvoir de justice (basse et haute) nominalement exercé par le seigneur est de plus en plus délégué aux juges. D’autre part, le pouvoir des cours d’église se distingue plus nettement des cours laïques.

Voici en quelques mots, les raisons principales de la renommé des Coutumes du Beauvaisis et de son auteur Philippe de Beaumanoir.

P.de Montesquieu, 400 ans plus tard, dans l’Esprit des lois cite plusieurs fois P. de Beaumanoir et son ouvrage. Et pourtant, il ne devait pas être facile d’accéder à celui-ci. Il n’existait que quelques copies manuscrites.


Les versions parvenues jusqu’à nous.

Nous ne disposons pas de version originale des coutumes du Beauvaisis : aucune n’est parvenue jusque nous.

Il existe quelques différences entre les versions des coutumes disponibles. Des versions sont incomplètes, des différences proviennent d’erreurs de copistes qui se sont propagées et additionnées de copies en copies. Cependant, ces différences ne sont pas importantes, elles permettent plutôt de comprendre les liens de parenté entre les versions.


L’organisation de la justice.

Les chapitres 1 à 5 traitent de l’organisation de la justice. Tout d’abord, Beaumanoir décrit les vertus que doit avoir un bailli, représentant direct du seigneur local pour ce qui concerne l’exercice de la justice. Parmi celles-ci la loyauté, l’amour de dieu et l’obéissance au seigneur. Dans ces fonctions le bailli est assisté de prévôts, de prud’hommes et d’assesseurs. (Chapitre 1).

Beaumanoir précise dans quels cas la justice est rendue par les seigneurs locaux au cours d’une réunion présidé par le bailli : ce sont les « affaires extraordinaires ». Par contre, dans les affaires où une jurisprudence existe la justice est rendue directement par le bailli.

Ensuite, le coutumier explique les dispositifs des convocations aux jugements, les demandes de renvois du défendeur ou du plaideur. On tient compte des événements familiaux des cas de force majeure, des besoins de précisions sur l’objet du litige. (Chapitres 2 et 3).

Les plaideurs peuvent être représentés par procuration, cependant dans des conditions strictes. Celle-ci ne donne pas lieu à rémunération. (Chapitre 4).

Autre participant important au fonctionnement de la justice : les avocats. C’est déjà une véritable profession dotée d’un règlement. Les honoraires sont convenus entre le défendeur et l’avocat et à défaut par le juge. Beaumanoir évoque les règles éthiques à respecter. L’avocat peut être choisi hors profession, mais dans ce cas il ne peut être question d’honoraires. (Chapitre 5)


La préparation et le déroulement du procès.

Les chapitres suivants décrivent le bon fonctionnement du procès.

Tout d’abord, en fonction de la nature de la plainte quel est le tribunal compétent (résidence du plaignant, localité ou se trouve le bien en litige, etc…) (Chapitre 6).

La plainte une fois déposée peut être immédiatement contestée par le défendeur soit pour la forme (exemple : récusation du juge) soit sur le fond (exemple : fourniture d’une preuve que le remboursement de dette a bien eu lieu).

De plus le défendeur peut demander des jours de vue, c’est à dire un renvoi de l’affaire pour permettre de préciser l’objet du litige (Chapitre 9).

Le procès se déroule oralement, bien que parfois il soit nécessaire de mettre par écrit les conclusions provisoires afin de faciliter la reprise ultérieure du procès.

Beaumanoir explique les divers cas de prescriptions. Leur durée tient compte de l’absence éventuelle du plaignant pour pèlerinage, croisade, emprisonnement militaire. Le cas courant est de un an et un jour, en particulier pour les affaires d’héritage. (chapitre 8)


Compétences des tribunaux.

L’ouvrage détaille les cas où la compétence des seigneurs s’applique (en Beauvaisis, ils ont haute et basse justice). Cependant, au-dessus de ces justices s’exercent celle du compte de Clermont. En particulier, elle joue le rôle de cour d’appel. Elle traite aussi des procès où un noble est assigné à cause d’un acte portant le sceau du roi ou du comte. (chapitre 10)

Dans le chapitre suivant Beaumanoir précise les compétences des cours d’église par rapport aux cours laïques. Ce n’est pas un sujet simple et de fréquents conflits de compétences ont lieu. Les tribunaux ecclésiastiques sont finalement compétents pour les affaires liés à la foi, au délicat problème des mariages (à l ‘époque pas de mariage ‘civil’) et donc de la légitimité des enfants ou pour les affaires concernant les biens de l’église.

Les membres de l’église peuvent choisir entre la compétence du tribunal religieux ou laïque. Enfin, un représentant de l’église peut être seigneur d’un lieu et donc exercer la justice laïque. On perçoit la complexité des situations et le besoin pour Beaumanoir de donner de nombreux exemples.

Dans le chapitre 9, Beaumanoir traite du droit d’asile (pas d’action de la justice dans un lieu consacré) et des ses limites.


Les héritages.

Le chapitre 12 décrit la manière dont les héritages sont valides (ils peuvent être oraux). On ne peut déshériter les héritiers de sang. Le droit du XIIIème siècle contient des règles différentes pour les bien propres et les acquêts.

Généralement, la personne qui rédige un testament prévoit des exécuteurs testamentaires qui veillent à sa bonne exécution.

A suivre….

Une des premières éditions des coutumes du Beauvaisis

hilippe de Beaumanoi

Les coutumes du Beauvaisis ont fait aussi fait l’objet d’éditions modernes
L’oeuvre de Beaumanoir a donné lieu à plusieurs études et colloques, tellement son ouvrage a marqué une évolution importante de la loi.